Le 26 juillet 2020 à 9h, Sylvain se décide: il nous annonce prendre la route en famille afin de rejoindre les Haizehegoens pour le picnic. Quelques heures plus tard, il claquait le plus gros triangle réalisé au pays basque. Voici son récit.
Par Sylvain Gattini
Détails :
Date : 26 juillet 2020
Déco : Itchachéguy « la Vierge d’Orisson »
Attero : Itchachéguy « la Vierge d’Orisson »
Vol trace CFD : https://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/vol/20288730
Distance totale : 83.17 km ; triangle FAI 116.43 points.
Durée : 4h01
Vitesse moyenne sur le parcours : 20.7 Km/h
Vitesse moyenne en transition : 40 km/h
Vario maximum intégré sur 20 secondes : +3.73m/s
Vario maximum instantané : +4.8m/s
Taux de montée moyen sur l’ensemble des thermiques : +1.41m/s
Altitude maxi : 1434m Altitude mini : 450m ! (après le col de Gamia).
Masse d’air :
J’ai récupéré après coup les infos de prévision de la masse d’air sur le site https://meteo-parapente.com/.
Je conserve systématiquement ce type d’information après une belle journée pour la préparation des vols futurs.
En effet avec le temps on oublie les détails d’une prévision et lorsqu’une journée qui semble similaire se présente à nouveau, je regarde dans les archives les copies d’écran de la masse d’air du jour et je vois si en effet la prévision météo est vraiment similaire, et si c’est le cas cela permet de préparer le vol avec de vrais objectifs et avec en tête des idées bien précises sur ce qui sera réalisable ou pas.
Masse d’air et plafond prévu :
Saint Jean Pied de Port à 14h :
Saint Jean Pied de Port à 17h :
Emagramme à 14h à Saint Jean Pied de Port :
Emagramme à 17h à Saint Palais :
Donc quand on regarde cette prévision, cela semble bien, mais rien d’extraordinaire. On a déjà eu de très nombreuses journées similaires et qui ne donnaient pas forcement grand-chose en termes de vol.
Les seuls faits marquants qui pour moi expliquent que cette masse d’air a été meilleure que ce que je pensais :
- Peu de vent
- Vent en flux de N et non NE ou NO
- Peu ou pas de pluie depuis de longues semaines, donc sol très sec qui chauffe très bien car peu d’énergie perdue à évaporation l’eau.
Vent au sol prévu : à 14h, à 15h, à 16h, à 17h :
Ce qui est très intéressant sur ces 4 vues, c’est que l’on voit très bien que le vent de Nord était présent bien plus tôt à l’Ouest de la ligne Baigorry – Baigura et de plus forcissant assez tôt dans l’après midi.
Alors que la plaine plus à l’Est restait bien à l’abri.
Je n’avais pas vu cela avant de venir voler, mais hier soir en rentrant quand j’ai vu cela j’ai compris que j’avais fait le bon choix et j’ai surtout compris pourquoi le vol a fonctionné.
Je n’ai pas de recul sur ce type de contraste de vent à si peu de distance ? Peut être que cela se produit uniquement quand le flux est vraiment nord ?
En tout cas à garder en mémoire.
Vent au plafond prévu à 14h et à 17 :
Idem : d’avantage de vent prévu sur l’Ouest de la zone, et du coup vent qui m’a aidé à rentrer facilement sur la fin du vol.
Déroulé du vol :
Au déco je trouve le plafond assez bas même si le ciel est bien allumé en plaine devant.
Donc je ne pense pas avant de décoller que ce soit une très bonne journée car le plaf est bas et je pense que cela limitera les déplacements un peu éloignés. On va voler c’est certain, mais rien d’extraordinaire selon moi.
J’ai même l’impression qu’un voile coupe la convection en plaine, mais c’est le fait qu’il y ait pas mal d’humidité sur le relief qui me donne cette impression, et en fait à tort. Il n’y a pas de voile d’altitude.
Je décolle sans prévoir le pénilex, c’est pour dire à quel point je pense faire un vol classique. Et puis je suis venu en famille, on doit ensuite aller se balader à Saint Pied de Port après le vol… donc vol prévu sans ambition particulière.
Dès que l’on sort sur la plaine de Saint Jean Pied de Port, je n’ai pas très envie d’aller à l’ouest car je n’ai pas très envie de refaire le même vol que les fois précédentes. Mais à ce moment là je n’ai aucun plan précis.
Je cherche d’ailleurs le thermique à l’ouest du petit groupe, puis reviens avec eux, et là je vois plein de petits cums qui se suivent les uns derrière les autres, très peu espacés, en direction du NE, en direction de St Michel et du col de Gamia. Et je suis curieux d’aller un peu dans cette direction que je connais peu en vol en arrivant de la Vierge.
Je décide d’aller explorer la masse d’air plus en direction du NE et je trouve que cela avance bien, peu de vent, et les cums sont non seulement proches les uns des autres, mais aussi bien actifs. Là c’est plutôt rare, car souvent on arrive sous les cums et rien ne se passe. Cela ressemble à des petits cums du matin, qui sont proches et très actifs. Bref, masse d’air instable.
Je vois que le groupe se dirige vers de beaux cums sur la plaine de Saint Jean Pied de Port. De mon côté je vois un gros cum sur Saint Jean le Vieux. Je me dis si je fais le plaf sous ce cum, je partirais vers le Col de Gamia, et sinon je reviendrai vers le relief au sud de Saint Michel.
Je fais le nuage avec un gros vario. Là je me dis que c’est vraiment actif. Pourquoi ne pas aller voir plus loin ?
Je ne suis jamais allé au Col de Gamia en vol, et là, il est coiffé d’un gros nuage qui met tout à l’ombre, mais j’espère que cela va encore tirer sous le nuage. Surtout qu’il y a des faces bien exposées. Je suis bien contré et à fond de barreau sur toute la transition et il y a quand même 4.6 Km entre le cum et le Col. Je perds 800m et passe le col pas très haut au-dessus et derrière j’arrive dans la petite vallée sans trop de vent, mais pas d’appuis non plus. Ca ne monte pas. Le nuage n’est plus actif. C’est la misère.
Là je galère un bon moment et pense que le vol va bientôt s’arrêter là. Je me retrouve à 450m d’altitude, à peine 200m sol… Je me dis que j’aurais essayé et tant pis, ce n’est pas la 1ere ni la dernière fois que je pose trop tôt !
Heureusement la solidarité des volants paye ! On arrive à s’entendre à 5 pour prospecter la zone et trouver l’ascendance. Oui j’ai bien dit à 5 : 2 buses, 2 vautours et moi ! L’entente a été parfaite. Merci les copains volatiles. On a bien senti sur ce coup là que tout le monde était solidaire pour trouver le thermique. On a prospecté à 5 et une fois au plaf, chacun est reparti de son côté ! Bon souvenir. J’aimerais tellement savoir ce que eux ont bien pu penser de cette situation.
Ensuite j’annonce à la radio environ 7km/h de nord au plaf. Ce sera à peu près toujours ça jusqu’au Baigura, avec quelques pointes à 10/12 Km/h par moment. Orientation : nord au plaf et plutôt O voire même SO sous les 1000m.
Je passe le col d’Osquich, laisse la Chapelle Saint Antoine à ma droite, puis Musculdy et là je me dis que ma petite famille veut me voir revenir avant la nuit ! Et le ciel qui était superbe jusque là, à partir de Mauléon, devient pas mal bâché avec du 5/8, voir même plus bâché.
Je décide donc de me concentrer sur le retour…
Là j’envisage plusieurs options :
- Rentrer par le même parcours, le plus simple et évident.
- Aller vers l’ouest voir si la plaine est active ou pas ? Car là pour le moment je profite des reliefs mais comment seront les plus petits reliefs entre ma position et le Baigura ?
- Je ne pense pas encore aller jusqu’au Baigura, mais avec la tendance nord je me dis que si je fais des points bas, je pourrais toujours essayer de raccrocher sur chaque ligne de relief que je vais croiser au fil de ma direction Ouest. En effet, il y a aura 3 lignes de reliefs qui seront sur la gauche pendant cette branche ouest :
- En gros celle qui va de Juxe au Col de Gamia en passant par Gamarthe,
- Celle qui passe par Ostabat, et à l’ouest de Larcevau
- Celle qui va jusqu’à Suhesqun
- Donc 3 possibilités de revenir vers le bassin de Saint Jean Pied de Port normalement sans trop de soucis.
Par contre à partir du moment où je fais cette branche ouest, j’ai une masse d’air très différente et qui devient très désagréable, avec des thermiques très hachés, pas organisés, et surtout pour le 1ere fois depuis le début du vol de très longues portions qui dégueulent fort : j’intègre de -3 à -3.5m/s sur 20 secondes. Donc là ce n’est plus la même histoire, et en plus je suis à 40 km/h poulies-poulies face à de l’ouest bien présent. Et puis une zone de cisaillement merdique et turbulente à chaque fois que je passe les 1100m environ, entre l’ouest en-dessous et le nord au-dessus.
Cerise sur le gâteau, ça commence à se souder et si le ciel jusque-là était à environ 3/8 de cums (l’idéal), on bascule sur un bon 5/8. Et là c’est bâché de Uhart-Mixe jusqu’à l’Est, à perte de vue.
Je cherche la seule zone encore au soleil que je trouve sur la grande forêt bien exposée sous le vent au Sud de Saint-Palais (bois d’Ostabat). Heureusement que cela marche car je n’étais plus qu’à 550m d’altitude et sans appuis possible.
Et c’est là que l’option Baigura devient évidente pour moi car à partir de là toute la partie jusqu’au Baigura est au soleil et à nouveau en 3/8. Alors que les 3 options dont je parlais auparavant sont à l’ombre. Plus trop le choix pour rentrer sur Saint Jean Pied de Port que de faire le long détour vers le Baigura.
Au plaf j’appelle mon épouse pour lui dire que je serai de retour au déco dans 2h ! Bonne prévision car je serai rentré en 1h45 !
Sur Xctrack je vérifie le vent au Baigura (car sur Xctrack j’ai accès à SpotAir). Je vois 20 Km/h maxi de Nord, donc je sais que l’Ouest n’est pas présent là-bas et que cela devrait passer facile au Baigura…
L’option Baigura pour le retour se décide à ce moment-là.
Entre Lantabat et Iholdy je prend le plus beau thermique : +880m en 4 minutes soit en moyenne près de +3.7m/s !
J’arrive donc au Baigura très confiant et là, c’est la douche froide : je vois un bi qui vient de décoller et qui tombe comme un caillou : ca plombe grave ! J’arrive sur la crête du Baigura à 760m et 10 minutes plus tard, et après avoir contourné tout le Baigura sans rien trouver, je suis à 500m !!! Pas de bol ; je me dis que c’est quand même con de ne pas tenir au Baigura en ayant fait tout ce parcours !
Je reste super concentré et au final cela ressort mais j’ai vraiment eu chaud car je n’avais plus beaucoup de joker.
Ensuite pour la fin du vol j’essaie de rentrer au plus vite et cela se passe bien. J’enchaine plaf à l’ouest du Baigura, quelques tours sur le Larla, mais dans le vent les thermiques sont merdiques et cela ne monte pas franchement, alors je vais direct sur la pompe de service : le petit sommet au nord du Jara qui collecte les thermiques qui arrivent de Saint Martin d’Arrrossa. En général j’ai toujours pu ressortir rapidement en cherchant le thermique sur la face ouest de ce petit pic.
Passage du Jara, et ensuite dans la plaine au-dessus d‘Anhaux je m’applique pour refaire le plaf devant le Munhoa. J’hésite de là à aller direct sur le déco mais je préfère assurer le coup en repassant par la route d’accès au déco. Ensuite je vais juste un peu trop vite pour raccrocher le déco sans assurer le dernier plaf et pose juste sous le déco ; j’aurais pu faire une petite branche vers l’Espagne mais ce sera pour la prochaine fois. Ce n’est pas grave !
Au final je crois que nous sommes tous convaincus que ce départ de cross est exceptionnel pour faire de beaux parcours au Pays Basque.
En l’endroit est en plus tellement beau que cela donne vraiment envie de voler là-bas avec ce type de journée.
Après lorsque le vent est en Nord-Est, a mon avis cela restera toujours compliqué de faire ce parcours dans ce sens là, ou alors avec un plus gros plaf. Je pense que le point dur est vraiment le passage pour passer au vent de la ligne de crête Col de Gamia – Belchou.
Voilà l’histoire d’un vol totalement imprévu. Et le prochain rêve à accomplir:
Sylvain Gattini